Lorsque je suis allée à Jeju-do, mon seul désir était de profiter des beautés naturelles de l’île. Celle que l’on nomme « l’île des Dieux » est populaire auprès des Coréens et des touristes asiatiques. Une popularité véhiculée par des messages publicitaires souvent exagérés et des propositions d’activités bien éloignées de ma conception d’une véritable offre touristique. Jamais, au grand jamais, je ne serai de celle qui vous conseillera de visiter le musée Teddy Bear ou le Hello Kitty Island ! J’ai trop de respect pour l’île de Jeju et ses habitants pour leur faire l’affront de telles visites.
À Jeju donc, je n’ai pratiquement visité que des sites naturels, et grand bien m’en a pris. Car même si j’ai réalisé très vite que l’île n’était pas aussi merveilleuse que ce que l’on m’avait dit, j’ai aussi compris pourquoi elle était simplement belle. Jeju se contemple, quand, entre vallées et cônes volcaniques, l’immensité de la mer n’est jamais loin. Jeju se respire, quand les embruns maritimes se mêlent aux herbes folles pour vous offrir un vrai moment de sérénité.
Mais…
Oui, il arrive souvent qu’il y ait un « mais ».
Un étroit morceau de terre
Seopjikoji se situe sur la côté est de l’île de Jeju. Seopji signifie « un étroit morceau de terre » en dialecte local, et koji, « un promontoire ». Il me tenait à cœur de visiter cette bande de littoral, à quelques kilomètres seulement du pic Seongsan Ilchulbong. Je ne sais plus trop pourquoi, je voulais m’y rendre au crépuscule. Sûrement, j’envisageais d’y faire de belles photos du soleil couchant, avec le pic en toile de fond.
Je le regrette encore, mais lors de mon séjour sur l’île, je n’étais pas motorisée. Je n’avais pas réservé à l’avance une voiture de location, et à l’aéroport, les agences n’avaient plus rien de disponible. Bien sûr, Jeju possède un système de transports en commun développé, mais certains sites sont plus facilement accessibles en voiture, et Seopjikoji en fait partie. Avec Miss Kim, nous avions envisagé de prendre le bus, mais leur fréquence est loin d’être optimale : il faut parfois attendre une heure entre deux passages, sans compter qu’il faut aussi une heure de trajet pour se rendre au promontoire, alors que ce n’est qu’à six kilomètres ! C’est pourquoi nous avons opté finalement pour le taxi, et en un quart d’heure, nous sommes arrivées sur le site. Il était aux environs de 17h30.
Une côte façonnée par la lave
Comme souvent, en Corée du Sud, le chemin est bien balisé. Depuis le parking où s’agglutinent les voitures de location, il suffit de suivre la route longée par les barrières en bois. Selon la période, il peut y avoir beaucoup de monde. Et dans tous les cas, c’est assez venteux, donc prévoyez de quoi vous protéger du vent et du soleil.
Très vite, les premières formations rocheuses apparaissent en contrebas du chemin. Des rochers noirs aux formes accidentées, d’origine volcanique, qui sont tout à fait typiques de l’île. Certaines sont vraiment étonnantes, comme celle que l’on trouve dès les premiers mètres, dont la forme fait penser à une tortue. Je ne sais pas si cette formation est totalement naturelle, mais en tous les cas, les petites pierres qui parcourent la tête de l’animal ont été posées là par la main de l’homme, il n’y aucun doute !
Tandis que l’on grimpe et que la falaise devient plus haute, on peut voir sur la gauche un tapis de fleurs sauvages. Il prendra une couleur jaune vif au printemps, lorsque la floraison des colzas sera à son apogée, entre avril et mai. En attendant, de paisibles chevaux broutent une herbe encore verte. Nous ne sommes qu’en septembre.
Nous passons devant un gros rocher qui porte le nom de Seondolbawi, et dont on dit qu’il ressemble à un chandelier. La légende veut que le fils du roi Dragon tombât amoureux d’une nymphe, venue du ciel pour se baigner dans les eaux de Seopjikoji. Elle était si belle qu’il voulût l’épouser sur-le-champ, mais son père l’obligea à patienter cent jours. Or, le centième jour, un typhon frappa l’île, empêchant la nymphe de descendre des cieux. Affligé par le chagrin, le fils du roi mourut et se transforma en rocher Seondolbawi…
Une maisonnette, un phare et un musée-restaurant
Nous avançons vers une drôle de maisonnette décorée de confiseries. Mais plus je m’approche, plus je sens monter en moi une certaine exaspération. Ce truc affreux défigure le paysage. En fait, c’est un café qui s’appelle Cozy House. Heureusement pour nous, ce jour-là, l’endroit est fermé. Je respire à nouveau. Bon, dans l’idéal, il faudrait détruire cette horreur. Ou créer une loi littoral. Quand je vois ça, il m’apparaît clairement que le concept leur est inconnu, à nos amis coréens…
Il y a quelques années, ce bâtiment ressemblait à une église. Elle avait servi comme lieu de décor pour quelques films et dramas. Ils ont gardé la structure et en ont fait un café qui fait penser au conte d’Hansel et Gretel. C’est mon avis, mais l’église avait quand même meilleure allure…
Non loin du café, on trouve un amoncellement de pierres qui forment un carré. On dirait les fondations d’une tour de guet. C’est depuis cet endroit que, durant la période Joseon, on faisait partir des signaux de fumée, qui servaient à communiquer sur de longues distances. Il y en avait plusieurs sur l’île, ce qui permettait de relayer des messages et d’informer rapidement si l’ennemi approchait. Le panneau d’information indique qu’en cas de mauvais temps, il ne restait plus au gardien de la sentinelle qu’à courir pour délivrer ses messages…
Petit à petit, nous nous rapprochons du phare. Le temps est plutôt couvert, je n’aurai pas droit à un joli coucher de soleil flamboyant. Tant pis, je me contenterai de ces nuages moutonneux dans le ciel, qui donnent au phare un bien joli arrière-plan.
Pour arriver jusqu’ici, il nous a fallu pratiquement quarante minutes de marche. Le bâtiment qui me préoccupe au loin est le Glass House, du renommé Tadao Ando, dont l’architecture en béton a été pensée pour s’accorder à l’environnement. Alors, certes, quand on prend un thé vert bien à l’abri de ses grandes baies vitrées (19 000 wons, soit 15 euros tout de même), j’imagine que la vue sur le pic Seongsan Ilchulbong est idyllique. Et quand on se promène dans le jardin et le musée attenant (Genius Loci et Bonte Museum), l’expérience est sûrement extraordinaire. Mais depuis la plaine, je trouve que le bâtiment dénature la beauté naturelle du site, au lieu de la sublimer.
De toute façon, nous n’irons pas plus loin. Il faudrait encore presque une heure pour y arriver, or la nuit commence à tomber.
Nous faisons demi-tour et rejoignons le parking. Nous pensions trouver facilement un taxi, mais il est désormais quasi désert ! Mais comment va-t-on rentrer à l’hôtel, qui est à plus de six kilomètres ? En pleine nuit ? Le doute nous assaille. Miss Kim finit par repérer un panneau « taxi » avec un numéro de téléphone. Son coréen est moins hésitant que le mien, elle se lance, mais il est difficile de dire si son correspondant a compris sa demande… Nous attendons un peu, beaucoup, aucun taxi en vue. Nous demandons tant bien que mal de l’aide aux derniers Coréens présents sur place, mais personne pour nous aider vraiment ! C’est étonnant quand on sait que les Coréens ont plutôt l’habitude d’aider les visiteurs en difficulté. Mais ce sont des touristes, et ils n’en savent pas plus que nous…
Bref, il ne nous reste plus qu’à repartir à pied vers la route principale (encore trente minutes à prévoir), en espérant pouvoir héler un taxi de là-bas. Pas très rassurées, il faut bien le dire. Nous commençons à marcher et soudain, que voit-on ? Mais oui, c’est bien un taxi ! Demi-tour vers le parking, serait-ce le nôtre ? Impossible de le savoir. On tente tant bien que mal de lui expliquer la situation, il semblerait qu’il soit venu chercher d’autres personnes. Mais comme le temps passe et que personne ne se présente, il se décide à nous prendre et à nous ramener à l’hôtel. Ouf ! Nous sommes sauves.
Morale de l’histoire : si vous n’avez pas de voiture de location, ne venez pas à Seopjikoji en fin de journée, sans vous avoir assuré au préalable d’un moyen de transport pour le retour. Sans taxi, ni bus, vous en serez quittes pour une petite frayeur sinon ^^.
Si mon article ne vous a pas convaincu d’aller à Seopjikoji, sachez qu’il y a une alternative à cette balade : celle du Mont Songak, sur le chemin de randonnée Jeju Olle n°10. Trois kilomètres circulaires, avec des vues sur le mont Sangbangsan, et même les îles Gapado et Marado. Le paysage y semble bien préservé.
Pour vous y rendre
En coréen : 섭지코지
Adresse : 261, Seopjikoji-ro, Seongsan-eup, Seogwipo-si, Jeju-do
Tarif : gratuit
La promenade est accessible aux personnes handicapées.