La grotte de Seokguram, sur les pentes du Mont Toham, et le temple Bulguksa qui lui est associé, sont deux chefs-d’œuvres de l’art bouddhique parmi la dizaine de vestiges historiques remarquables que l’on peut découvrir à Gyeongju, une ville de la province de Gyeongsangbuk-do. Ils ont été classés en 1995 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, en tant qu’ensemble d’architecture religieuse d’une valeur exceptionnelle.
Au cœur du bouddhisme de Silla
La construction de ces deux biens patrimoniaux a débuté en 751, pendant le règne de Gyeongdeok, roi de Silla. Ce dernier est connu pour avoir fortement encouragé le bouddhisme et on le dit parfois à l’origine du projet de construction. Il semble que ce soit plutôt une volonté de son Premier ministre, Kim Dae-Seong. Une jolie légende dit en effet que le ministre Kim était la réincarnation d’une femme pauvre mais très pieuse, qui fit don d’une terre acquise après un dur labeur. Pour honorer à la fois ses parents actuels et les parents de sa vie antérieure, il construisit donc le temple Bulguksa pour les premiers, et la grotte Seokguram pour les seconds.
En réalité, il existait déjà un temple en ces lieux, bâti dès 528 (Hwaeom Bulguksa ou Beonmyusa), et Kim Dae-Seong se chargea essentiellement de le reconstruire et de lui donner son nom définitif actuel. Temple principal au cœur du bouddhisme de Silla, Bulguksa avait pour mission de protéger le royaume des invasions étrangères. Cela ne l’empêcha pas de tomber aux mains des envahisseurs japonais, en 1593, et d’être entièrement brûlé car il abritait des milices du roi Seonjo. Les structures en pierre n’ont été que peu touchées, et elles ont conservé leur forme originale. Mais celles en bois ont été régulièrement restaurées depuis (jusqu’à 40 interventions!) et l’ensemble actuel a été reconstruit dans son intégralité entre 1969 et 1973, après un long travail de recherches et de fouilles archéologiques. Certains bâtiments ont été restaurés, tandis que d’autres ont été refaits à neuf, selon des techniques ancestrales.
Le monde humain et le monde de Bouddha
Le temple de Bulguksa est d’une grande beauté. Protégé par une forêt relativement dense, rythmé au son des litanies bouddhiques, il recèle un nombre incalculable de trésors nationaux, représentatifs de l’esthétique bouddhique de l’époque de Silla.
Pour y accéder, on traverse d’abord deux ponts de pierre (Haetal-gyo ou pont de la délivrance, et Banya-gyo) qui surplombent de jolis étangs, eux-mêmes séparés par la porte Choeuimmun. Ce long chemin depuis l’entrée rappelle au visiteur qu’il doit laisser derrière lui ses souffrances et pensées négatives car il est amené à entrer dans le monde de la Vérité et de la Pureté. Ce n’est qu’alors qu’apparait le temple dans toute sa grandeur.
Le temple Bulguksa est divisé en deux zones, délimitées par deux escaliers de part et d’autre de la grande façade. Le monde humain se situe sous les escaliers, tandis que celui de Bouddha se situe au-dessus. D’ailleurs, une fois dans l’enceinte intérieure, ce qui frappe surtout, c’est le fait de devoir passer d’un hall à un autre par des escaliers qui montent ou descendent selon un système de terrasses, censées représenter le pays de Bouddha. On perd vite tous ses repères et l’on n’a plus qu’à se laisser porter au gré des chants bouddhiques qui enchantent les lieux. C’est peut-être ça entrer dans le monde de Bouddha…
Ponts, halls et pavillons
Les ponts Cheongun-gyo (nuage bleu) et Baekun-gyo (nuage blanc), situés sur la droite, comportent respectivement 17 et 16 marches. Ces 33 marches symbolisent la route de l’illumination et les efforts à faire pour marcher sur la terre de Bouddha. Ils évoquent également la vie, car ils sont synonymes de jeunesse et de vieillesse. Seuls ponts de l’époque Silla à avoir été parfaitement conservés, ils sont classés Trésor national numéro 23.
Ils ouvrent sur le hall Daeungjeon, ou hall de la Grande illumination (ou Grand éveil), consacré à Shakyamuni, le Bouddha historique. Il est le prince qui découvrit la souffrance de son peuple, renonça à ses titres, et commença une vie d’ascèse avant d’atteindre l’Éveil. C’est dans cette partie du temple que l’on trouve deux autres trésors nationaux, les pagodes Dabotap (trésor n°20) et Seokgatap (trésor n°21).
La première représente le Bouddha Dabo (« des trésors abondants »), auquel Shakyamuni, figuré par la deuxième pagode, est intimement associé dans le Sūtra du Lotus. Si l’une, richement décorée, marquerait la complexité du monde, l’autre, d’une grande simplicité, représenterait la brièveté de l’ascension spirituelle (on peut aussi y voir la contemplation et le détachement).
Derrière Daeungjeon se trouve la salle de lecture, Museoljeon (« sans mots » – ne dit-on pas que ce que nous enseigne Bouddha ne peut se faire qu’avec des mots seuls ?). Construite en 670, elle servait essentiellement aux enseignements du moine Uisang.
Retour en arrière, au niveau de la façade principale. Sur la gauche, les ponts Yeonhwagyo (du lotus) et Chilbogyo (des sept trésors) permettent de passer la porte Anyangmun. Sur chaque marche de Yeonhwagyo, on trouve gravées des fleurs de lotus qui incarnent le souhait de renaître dans la Terre pure d’Amitabha. Ces ponts-escaliers sont classés Trésor national n°22.
Ils donnent accès au Geugnakjeon, ou hall du Bonheur Suprême, dédié par conséquent au Bouddha Amitabha. Sa statue en or est classée Trésor national n°27. Pensez à caresser le cochon doré qui fait face au pavillon, afin que la chance et la bonne fortune vous bénisse.
En réalité il n’est plus possible de monter les ponts-escaliers directement, c’est interdit pour des raisons de conservation. Il faut entrer par la gauche du temple via Geuknakjeon. On marche ainsi devant le pavillon de la cloche, de toute beauté.
On peut admirer le couloir qui mène au pavillon Beomyeongnu, au bout duquel a été placé un grand tambour sur le dos d’une tortue.
À l’arrière de cette première série de bâtiments se trouve le hall Birojeon, dédié au Bouddha Vairocana, de la Vérité absolue. On peut y contempler sa statue en or, classée Trésor national n°26.
En continuant vers l’ouest et en montant d’autres escaliers un peu raides, on entre dans Gwaneumjeon, le hall du Bodhisattva Avalokitesvara, qui incarne la compassion et la guérison. Il est connu pour être celui qui écoute les cris de ce monde et qui se consacre au bien-être de tous, toujours prêt à aider ceux qui souffrent.
Parmi les autres trésors du temple Bulguska, il y a également la pagode de pierre Saritap (trésor n°61), dont la forme en lampe est particulièrement originale. Les Japonais l’ont apporté dans leur pays en 1905, avant de la rendre en 1933 et de l’installer à sa place actuelle.
Le retour se fait par une jolie allée pavée et arborée parallèle au premier chemin.
Il s’agit maintenant de prendre le bus pour monter à la grotte Seokguram, 2 km plus haut. Vous pouvez bien sûr y aller à pied, par un chemin de randonné balisé. Mais la montée est raide et l’exercice peut s’avérer difficile.
La grotte Seokguram
Longtemps la grotte de Seokguram (trésor national n°24), autrefois appelée Seokbulsa, fût inconnue du grand public. Bien que construite au 8ème siècle en même temps que le temple Bulguksa, elle resta à l’abandon et disparût peu à peu de la mémoire des gens. Jusqu’à ce qu’un postier, cherchant à s’abriter d’une tempête dans une des nombreuses caves de la région, la redécouvrît par hasard en 1909. Les autorités d’occupation japonaises voulurent la démonter pour l’amener à Séoul mais fort heureusement, ils ne purent mener à bien ce projet insensé. En revanche alors qu’ils décidaient de restaurer la grotte, ils détruisirent la structure cachée faite de pierres qui soutenaient le dôme. Ils en reconstruisirent une en fer mais depuis, la cave est sujette aux infiltrations d’eau et autres dommages et sa conservation s’en trouve complexifiée.
Les Coréens de l’époque de Silla imaginaient les cieux comme étant ronds et la Terre comme carrée. La structure intérieure reflète en effet cette croyance. Dans l’antichambre carrée se tenaient les rites bouddhiques. La rotonde abrite la statue de Bouddha, haute de 3,5 mètres. Bouddha est assis dans une position dite « mudrā de la prise de la terre à témoin », la main droite posée sur le genou, les doigts effleurant le sol (une façon de prendre la terre à témoin lorsque Māra, personnification du mal, nia l’éveil de Bouddha, arguant qu’il n’y avait personne pour le confirmer). Tout est parfaitement symétrique, et la beauté de l’ensemble en est exaltée.
La statue est entourée de quinze Bodhisattvas et disciples, dont les représentations sont gravées sur les murs en bas reliefs. Dix niches placées au-dessus de ces panneaux de granit contiennent huit sculptures dites « kamshil » (deux ont été volées). Dans l’antichambre qui mène à la rotonde, on trouve également un nombre considérable de divinités (devas) et les quatre Rois célestes. Il est malheureusement impossible de photographier ce chef-d’œuvre de l’art bouddhique (sauf le jour de la naissance de Bouddha), mais des répliques se trouve au Musée national de Gyeongju ou encore au Musée de l’histoire de Silla, dans le village de l’artisanat folklorique.
Un voyage en Corée du Sud devrait nécessairement comporter une visite au temple Bulguksa et à la grotte Seokguram. Il n’est pas facile de décrire par des mots la beauté de ce site ni le sentiment de fort religiosité qui s’en dégage. Mais j’espère vous avoir convaincu de ne surtout pas passer à côté si vous vous rendez dans la péninsule, tant il est incontournable.
Comment se rendre au temple Bulguksa et à la grotte de Seokguram ?
- Le temple Bulguksa est accessible par les bus n°10 ou 11 depuis le terminal des bus express de Gyeongju, ou avec le bus n°700 depuis la gare de Gyeongju (comptez entre 40 et 50 mn de trajet dans les deux cas) + 10 min de marche à pied. L’entrée est de 4000 wons par adulte (3,20€), 3000 wons pour des enfants de collège et lycée (2,40€) et 2000 wons pour des enfants de primaire (1,60€)
- La grotte de Seokguram est accessible par le bus n°12 depuis l’arrêt « Bulguksa » (20 min de trajet) + 20 min de marche à pied. L’entrée est de 8000 wons (6,40€)