Le musée d’histoire du sanctuaire Seosomun est l’une des réalisations les plus récentes de Séoul. Inauguré en juin 2019 en l’honneur des martyrs catholiques de Corée, il a une double vocation : en surface, c’est un jardin mémorial. Sous terre, c’est un musée d’histoire à l’architecture de briques rouges audacieuse, contrastant avec la nature environnante. Je l’ai visité en novembre dernier, et ce lieu m’a littéralement séduit. En sera-t-il de même pour vous ?
Seosomun, un lieu saint par excellence
Seosomun est le nom que l’on donne au quartier situé au sud-ouest de l’hôtel de ville de Séoul et du palais Deoksugung. Si la petite porte historique dite « Souimun » existait encore aujourd’hui, elle en marquerait la limite. Mais elle a été détruite pendant la colonisation japonaise, pour des raisons de développement urbain. De nos jours, il ne reste qu’une plaque commémorative à l’endroit où elle se trouvait.
Dès la moitié de la dynastie Joseon, la porte Souimun était connue pour être un lieu funeste, car c’est là qu’on y exécutait les prisonniers d’État. D’ailleurs, on l’appelait aussi «Sigumun», ce qui signifie littéralement «la porte où les cadavres ont été transportés». Une façon de rappeler aux gens qu’ils avaient intérêts à se tenir à l’écart des actes criminels et des actions contre le régime royal.
Au 19e siècle, la royauté s’en est pris aux catholiques. Leur religion connaissait un grand essor dans le pays, mais elle menaçait les fondements de la dynastie : plus de 8 000 personnes ont été tuées dans tout le pays. En 1984, l’Église en a canonisé 103, dont 44 qui avaient été torturés à Seosomun. C’est la raison pour laquelle Seosomun a toujours été considéré comme un lieu saint important pour la communauté catholique.
En 1973, le gouvernement de Séoul a crée à cet endroit un parc urbain, l’actuel parc historique de Seosomun. Il y a érigé une sculpture commémorative de 33 mètres de haut. Mais le parc était difficile d’accès, coincé entre une voie rapide en hauteur et le chemin de fer de la ligne Gyeongui. On avait même fini par y construire un parking public et une usine de traitement de déchets recyclables.
Du parc historique au musée d’histoire du sanctuaire Seosomun
Lorsque le Pape François est venu en Corée en 2014 pour béatifier 124 autres martyrs, décision a été prise de transformer radicalement l’endroit, en y créant un musée d’histoire et un lieu de recueillement qui soit digne de ce nom, tout en rendant le parc aux citoyens.
J’aime beaucoup l’identité visuelle du musée : les consonnes du mot « Seosomun » (ㅅㅅ ㅁ en coréen) forment une seule et même ligne : le premier « s » (ㅅ) représente les gens marchant dans le parc. Le deuxième, les pèlerins qui marchent sur Terre. Le « m » final (ㅁ) est à l’image du lieu saint qui préserve l’esprit des martyrs. Ici, le hangeul, l’alphabet coréen, est utilisé pour marquer les liens harmonieux qui unissent le Paradis, les Hommes et la Terre.
Pour ceux qui s’en inquièteraient, il n’est pas nécessaire d’être chrétien pour visiter le musée. En revanche, si vous êtes sensible à la spiritualité en général, vous ne pourrez qu’être touché(e) par la beauté des lieux, par son architecture pensée pour exalter le calme et la méditation intérieure, par ses sculptures chargées de symbolique.
On entre tout doucement dans le musée, en empruntant un long couloir en légère pente. Puis on arrive sur une première place, qui marque l’entrée proprement dite. Une imposante sculpture dorée nous accueille.
L’intérieur compte quatre salles principales. Je vous les présente dans l’ordre habituel de la visite.
La galerie des expositions temporaires
Jusqu’en décembre 2019, la galerie présentait l’exposition « Otchil and Korean Mother-of-pearl ». Les techniques de la laque et de l’incrustation de nacre remonte à l’époque du royaume de Goryeo (918–1392). Les œuvres présentées – des pièces de toute beauté – étaient celles de neuf artistes contemporains qui maîtrisent encore ces techniques ancestrales.
Et tandis qu’on flâne entre les œuvres, on prend aussi le temps de s’attarder dans les recoins cachés ou d’admirer les vues extérieures, très photogéniques.
Le hall de la Consolation
La visite continue avec le hall de la Consolation. Cet espace rectangulaire est totalement dépouillé, ce qui accroît l’impression de silence. C’est un lieu propice au retour au calme et à la méditation. Ses quatre murs sont recouverts de panneaux en maille métallique, qui peuvent être utilisés comme écrans de projection lors d’événements spéciaux.
La chapelle Saint Chong Ha-Sang
À l’arrière du hall, légèrement en retrait, se trouve la chapelle dédiée à Paul Chong Ha-Sang, un prêtre catholique coréen victime de la répression en 1839. Il y avait une messe au moment où je suis passée, donc je n’ai pas pris de photos de l’intérieur.
La Place céleste (Sky Square)
Juste en face du hall de la Consolation, on peut distinguer à travers une série de portes vitrées un espace ouvert. C’est la Place céleste, qui représente le lien entre la Terre et le Paradis.
Nous sommes ici à quelques mètres en-dessous du sol, entourés de briques rouges qui contrastent avec le ciel. Le musée regorge d’œuvres d’art, et cette place n’est pas en reste avec les étranges sculptures en bois représentant 44 martyrs.
Le hall consacré à l’exposition permanente
Où plutôt, les halls, dans la mesure où cet espace à la blancheur immaculée en possède deux. Nous sommes ici dans la partie permanente du musée, consacrée à cette histoire dramatique autour de la religion chrétienne en Corée.
Les collections sont présentées dans ce qui ressemble étrangement à une voûte, ornée d’arcs et de colonnes de marbre blanc. La modernité des lieux contraste avec l’aspect historique du musée. On passe d’une thématique à une autre à travers différents modules, qui forment comme un chemin naturel.
Une fresque retrace les 100 ans de l’histoire des persécutions catholiques. On peut également voir des calligraphies, des lettres, des documents officiels de l’époque. On comprend que les autorités de la dynastie Joseon ne voyaient pas le catholicisme comme une religion, mais comme un système de pensée qui mettait au défi l’ordre social établi, fondé sur le système de classe néo-confucéen.
Les explications sont en coréen et en anglais, ce qui est très appréciable. On apprend beaucoup de choses aussi sur le quartier autour de Seosomun. L’endroit était très fréquenté, en raison de la présence d’un marché aux herbes médicinales, et du développement de l’artisanat. Les habitants venaient de tous les horizons : marchands, enseignants, acuponcteurs ou encore géomanciens, c’était un véritable lieu de mixité sociale.
Il est possible de visiter le quartier en suivant un parcours balisé par des pierres numérotées de 1 à 11, qui nous amènent sur des lieux où vécurent des personnages historiques. Une autre manière de retracer l’histoire de Séoul (Vous pouvez cliquer sur l’image ci-après pour l’agrandir si besoin).
Voilà, j’espère que cette visite vous aura plu et vous donnera envie de découvrir ce musée et son incroyable architecture. Retrouvez ci-après quelques éléments pour vous permettre d’organiser votre visite.
Pour vous rendre au musée
En coréen : 서소문성지 역사박물관 (seosomunseongji yeoksabangmulgwan)
Adresse : 5, Chilpae-ro, Jung-gu, Séoul
Transports : Ligne 2, station Chungjeongno, sortie n°4. Ou bien à 20 min de marche de la station City Hall (ligne 2).
Horaires : 9h30-17h30 (mardi, jeudi à dimanche), 9h30-20h30 (mercredi). Fermé le lundi.
Tarifs : Gratuit.
Site Internet : www.seosomun.org (en coréen)